Les joues roses dans l’bois

C’est le type de journée que tu termines en écoutant Willie Nelson jusqu’à’ maison. Et, si t’as un kid, de temps à autre, tu le regardes dans le rétroviseur, tu trouves ça beau de voir ses paupières endormies dans le noir.

Y’a pas de ciel cotton candy, y’a pas de coucher de soleil. Le soleil, il s’est couché vite sur la forêt pendant que tu étais en dedans avec les autres, nu-pieds, parce que tes bas séchaient sur le bord du poêle à bois. Tout près, quelques foulards collés de tire.

Tu ne connais pas tout le monde, mais tout le monde a les joues roses. Roses de sève, roses d’air frais, roses d’avoir exploré toute la forêt. Tu ne connais pas tout le monde, mais tu as écouté chacun des pas dans la neige et tu as aussi entendu beaucoup de rires, parce que la neige surprenait. Parfois, c’est comme s’il n’y avait presque rien en dessous; de la barbe à papa sous une couche glacée. Alors les pieds s’enfonçaient loin, et les plus urbains se trouvaient un peu caves-nonos avec leurs souliers-pas-de-bottes-de-pluie.

Tu ne connais pas tout le monde, mais ce jour-là, à l’érablière de Gaétan, tu as fait du sirop avec tout le monde. Les enfants sont ceux qui ont travaillé le plus fort : ils ont couru vers les chaudières les plus éloignées en faisant signe aux adultes si la sève avait coulé. Le fun qu’ils avaient, chaque fois, de soulever le couvercle pour découvrir si la chaudière était remplie, un peu ou beaucoup, ou vide! Et la fierté, si elle était remplie de sève, de pouvoir la décrocher...

Décrocher la lune < décrocher la sève.

Parfois, en écoutant les gens parler ou en lisant les magazines, j’ai l’impression que le but ultime d’une vie c’est d’avoir sa maison et un beau char en ville, puis un chalet dans l’Nord ou quelque part ailleurs-de-bucolique, pour se ressourcer. Oui, le cliché de l’humain dans toutes ses contradictions : en chemise Zara pour être ben swell, puis, en mode sauvage avec une chemise à carreaux, parce que c’est fatigant flasher tout le temps.

Ce jour-là, en regardant Gaétan dans son royaume, j’ai réalisé que son projet de « Ma petite cabane au Canada » était une coche en haut. Au plus haut des arbres, à leur cime, comme pour pouvoir envoyer ce qu’on fait de mieux alors qu’on est déprimé de l’hiver - l’eau sucrée - aux autres planètes. Mais tout en restant bien enraciné dans le terrain de jeu de l’enfance, vous savez, celui duquel on ne veut pas sortir même si on a les pieds gelés et qu’on entend notre mère crier « Le souper est prêt, rentrez! ».

Ce jour-là, en regardant Gaétan nous partager son savoir, je l’ai imaginé gamin et entendu dire, au cœur de la forêt : « Quand je serai grand, j’aurai mon érablière. »

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