L'abricot - Cabinet de curiosité

Ensemble, et parfois séparément, ils font du design graphique, autant pour des affiches que pour des livres magnifiques. Ils construisent aussi, de leurs mains, à peu près n’importe quoi : une enseigne lumineuse, une œuvre d’art urbaine, un magazine. Et ils impriment tout eux-mêmes, avec leurs grosses machines. Rencontre avec Catherine Ouellet-Cummings et Julien Boisseau dans un cabinet de curiosités semblant sorti d’un autre monde, leur studio L’abricot.

Catherine, Julien, je sais que vous touchez à plusieurs disciplines au quotidien, mais peut-on dire que c’est le design qui vous a d’abord uni, autant comme amoureux que comme collègues?

La vérité, c’est qu’on s’est rencontrés au Cégep Bois-de-Boulogne. Alors qu’on était les deux en Arts et lettres, on a été obligés de travailler ensemble. Je lui avais même dit : « Excuse-moi, là, on n’aura pas le choix, parce qu’on nous a mis en équipe, mais sache que ça ne me tente vraiment pas de travailler avec toi! (Rires)
— Catherine
Mais on est devenus amis... après quelques heures. Et quand on a fini notre cégep, amoureux, on est partis six mois en voyage en Europe de l’Est et en Inde, où on tournait et montait des petits films. Sans savoir ce qu’on finirait par faire précisément, on savait qu’on voulait travailler ensemble, principalement en design.
— Julien

Donc, tes premiers pick-up lines à Catherine ne concernaient pas des geekeries d’imprimerie?

Ha, ha, ha! Pour vrai, oui, un peu!
— Catherine
Ça m’a toujours fait triper, démonter et restaurer des machines, apprendre de nouvelles techniques... Enfant, chez nous, on avait une chambre noire parce que mon père était photographe médical, je fabriquais ma propre peinture à l’huile... Sur presque toutes mes photos d’enfance, je te jure, j’ai un outil dans les mains.
— Julien

Arts plastiques next level!

À nos débuts, je me souviens, je faisais un petit projet et il m’a dit : « Ne-non! Pas de la colle en bâton, Catherine! Viens, on va faire ça avec de la colle en aérosol!
— Catherine
C’est ça, l’affaire. Le design graphique est une passion, oui, mais moi, je ne pourrais jamais rester assis devant un ordinateur toute la journée. S’impliquer complètement dans chaque étape d’un projet permet de bouger et de mettre les mains dans la matière. On a commencé à faire de l’impression grâce à un projet de design graphique, justement, j’avais fabriqué une presse avec un cric de voiture, parce qu’on avait vraiment envie d’imprimer la page couverture en linogravure!
— Julien

Lino quoi?

En gros, c’est une technique qui consiste à graver sur une plaque de linoléum et à ensuite mettre de l’encre dans les parties qui n’ont pas été évidées, pour imprimer le motif qu’on a créé. Le dessin initial apparaît donc en négatif (ce qui a été creusé apparaît en blanc) et il est inversé, comme quand on regarde quelque chose dans un miroir.
— Julien

Et l’appareil qui est là, qui ressemble à un photocopieur, c’est quoi?

C’est un risographe. Un appareil qui découpe un pochoir, l’encre liquide va couler à travers, une couleur à la fois, un peu comme le principe de la sérigraphie. Ces appareils étaient, à la base, utilisés pour la duplication en grande quantité avant l’apparition des photocopieurs. Mais ça regagne l’intérêt des designers, des illustrateurs et des éditeurs depuis quelques années, à cause de la texture particulière et de la transparence avec laquelle on peut jouer.
— Catherine

Étant donné tout l’amour du vintage et du DIY (Do It Yourself) que vous avez, le temps que vous prenez pour trouver de vieux appareils qui vous permettent de créer plutôt que d’acheter du neuf... Y a-t-il quelque chose, en 2019, que vous ne pouvez pas faire?

Se déconnecter complètement. Quand on faisait nos petits films en Inde, YouTube n’existait pas... On allait dans un café Internet pour prendre des nouvelles de nos proches, et on envoyait nos films au Québec sur des disques compacts! Récemment, on a décidé de se retirer de Facebook. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’aime pas la modernité... Justement hier Julien échangeait des trucs de geek avec un Irlandais! Internet nous permet de communiquer avec des fans de riso à travers le monde, et ça, c’est génial.
— Catherine

Pour terminer, quel est le projet dont vous êtes le plus fier?

À part notre fils, tu veux dire?! (Rires) La naissance de Henri nous a amenés à nous intéresser au design pour enfants, puis à créer le magazine Grilled Cheese, que les enfants peuvent recevoir par la poste, comme nous quand on était jeunes avec Les Débrouillards ou Hibou et Coulicou. On a récemment réimprimé, entièrement en riso, les dix premières histoires du magazine. C’est sans aucun doute notre plus gros projet d’impression, tout a été fait à Montréal, avec du papier recyclé, par respect pour l’environnement... Et les personnages sont vraiment beaux!
— Catherine

Texte

Melissa Maya Falkenberg

Photos

Melissa St-Arnauld

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